Discours fait au nom de l’Académie des inscriptions et belles-lettres,

par Antoine MONGEZ, lors des funérailles de Louis-Sébastien Mercier le 27 avril 1814,

publié dans Le Magasin Encyclopédique, t. 2, p. 376-377.

L’Institut de France a assisté le 27 avril aux funérailles de M. Louis-Sébastien MERCIER, membre de la Classe d’histoire et de littérature ancienne. Le convoi étant arrivé au lieu de la sépulture, M. MONGEZ, président de la Classe, a prononcé le discours suivant.

 « Le confrère dont nous déposons ici la cendre, M. Mercier, appartenait au dix-huitième siècle d’une manière spéciale. Il avait publié avant le dix-neuvième les écrits qui lui ont acquis de la célébrité : Le Tableau de Paris, l’An deux mille quatre cent quarante et plusieurs drames. Beaucoup de hardiesse, une finesse d’esprit et d’observation, une tendance continuelle à l’originalité, une guerre impitoyable aux abus presque toujours inséparables des grandes sociétés, firent rechercher ces ouvrages et multiplier les éditions. Quelques-uns des drames de M. Mercier font encore l’amusement de cette classe de spectateurs à qui la tragédie et la comédie ne présentent pas séparément assez d’attraits pour qu’ils ne désirent pas les voir réunies et confondues dans un genre inconnu au beau siècle de Louis XIV. Depuis le dix-neuvième il voulut non seulement placer dans notre littérature le drame à côté des chefs-d’œuvre de Melpomène et de Thalie, mais encore il travailla à lui faire accorder la suprématie. Heureusement, il prêchait dans le désert et la gloire de Corneille, de Racine, de Voltaire brille encore, en France du moins et dans la plus grande partie de l’Europe, d’un éclat inaltérable. Je ne parlerai point de ses nombreux efforts, de ses volumineux écrits en faveur du néologisme. Il les avait peut-être oubliés lui-même un an après les avoir publiés. Mais ce que je ne tairai pas, c’est la bonté de son cœur, la douceur de ses mœurs, de son commerce, et sa haine pour toutes les tyrannies. Puisse son ombre être sensible à ce témoignage que portent de son âme et de son caractère tous ceux qui, comme nous, ont été ses confrères et, plus encore, tous ceux qui vécurent dans son intimité. »

 

fleuron

 

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